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LA TRANSMISSION ET LA TRADITION... LE CHEMINEMENT DE U PONTICELLU« Lorsque je chantais au Japon, il y a … 20 ans, je n’aurais pas pumettre des mots clairs sur ce que je pressentais à propos de cette
finalité qui est la mienne aujourd’hui, dans le chant et dans la
transmission… », Jacky Micaelli fait ici un constat que porte U Ponticellu dans son éthique et sa pratique. Une tradition non recrée, assimilée et adaptée à chaque époque est une tradition morte. La tradition vivante est transmission: elle exige une actualisation, un aspect créatif. Cet apport se devra de respecter l’esprit de la tradition, lequel esprit est un absolu qui transcende le temps. En s’appropriant la tradition, sa tradition, le disciple prend place dans une longue chaîne dont il est un anneau parmi une infinité d’autres, avant et après lui. Les musiques traditionnelles, c’est à dire orales, contiennent une sève venue du fond des âges, seule la parole, le son, donc l’oralité, en communiquent l’essence spirituelle. Elle préserve le caractère vivant, mouvant de la tradition. L’initiation grâce à laquelle elle se transmet requiert le contact direct, d’homme à homme pour que passe l’influence spirituelle inséparable de toute initiation. La tradition est donc d’abord mémoire, ce sont nos racines vives, notre centre de gravité. Que sommes nous sans la mémoire de nos origines ? L’homme se condamne à la mort spirituelle s’il coupe le lien de la tradition, de sa tradition. La musique détient sa mémoire à elle. Ce sont les traditions musicales, elle vit dans et par l’oralité. Le cheminement de la polyphonie corse et “STELLA MATUTINA” passe par le chant grégorien. Celui ci s’incorpore des éléments et archétypes primordiaux qui sous tendent toutes les musiques du monde et en font autant de voix d’un unique “Chant de l’humanité”. L’archaique, valorisé positivement, n’est pas l’ancien ou l’antique perçu comme vétuste, lointain. Il désigne ce qui dans l’ancien est originel, ce qui échappe à l’emprise destructrice du temps et existe dans un présent perpétuel. L’archaique renvoie au commencement principiel, éternel, hors du temps. Les valeurs de l’originel, de l’archaique, ne sont pas davantage actuelles à une époque qu’à une autre. Elles inspirent des créations nouvelles. “L’archaique participe de l’anthropologie qui vise à une connaissance globale de l’homme” selon Claude Levi Strauss. Chaque tradition fournit à des hommes appartenant à telle culture, telle époque, un miroir où ils peuvent imprimer un vivant reflet de leur être essentiel, parce qu’ils ont en eux l’empreinte de cette tradition, et que chaque tradition est une image véridique de l’homme éternel. On trouve la tradition à l’intérieur de l’homme, dans son être spirituel. Cette transmission de la connaissance n’est autre que l’initiation qui actualise un savoir que l’être possède virtuellement. L’initiation est ainsi l’accession à la tradition en soi, et dépasse le cadre de la tradition particulière qu’elle transmet. Ainsi en est il du chant grégorien qui lance ses plus profondes racines dans le « Chant de l’humanité » et dans les archétypes musicaux. L’archaisme permet d’être par delà tous les rôles et les masques du paraître car il permet l’expression d’une tradition primordiale: « Le centre du monde, c’est ce lieu insaisissable où les traditions prennent naissance, où converge ou d’où émane tout ce qui relève de la traditionalité ». La tradition invite à jeter un autre regard sur la modernité car en repensant les valeurs de la tradition et de l’archaique, on repense et lègitime la modernité. Les vrais modernes se gardent de récuser le passé au nom d’une aveugle fuite en avant. Ainsi du grégorien, la polyphonie corse tient la mélodie, pure vocalité, le chant. La voix sort du corps et le souffle produit par les poumons le fait retentir. Le chanteur accomplit un acte vital. L’acte de chanter crée une relation intime avec l’organe vocal grâce à quoi les émotions, l’affectivité s’extériorisent spontanément à travers le son d’un chant simple ou complexe, comme un trop plein qui de lui même aspire à sortir de nous. Il ne s’agit pas d’Ego, et nous pouvons prendre l’exemple des riucade ou mélismes en polyphonie corse. Jacky Micaelli explique dans tous ses stages qu’il est dangereux d’aseptiser la pratique de cette tradition sous peine d’en perdre le sens, l’âme, car dans le sacré comme le profane les riucade sont souvent l’expression d’une émotion forte liée à l’histoire de ce chant. On peut ainsi exprimer le ‘pietoso’ dans le deuil, ou le chagrin de l’amour perdu, mais ce peut être aussi la fatigue d’un travail dur, de l’animal comme de l’homme. Quand il module son chant, l’homme émet un reflet sonore de son propre être. La polyphonie corse, comme tous les chants traditionnels, harmonise voix et corps pour que le chant sonne avec plénitude, puissance. Il s’agit moins de chanter « beau » que de chanter « vrai ». Un chanteur traditionnel utlise sa voix comme moyen, non comme une fin ensoi. Il est donc nécessaire dans la transmission de passer par une redécouverte de la « vocalité traditionnelle, de l’ancrage corporel de la voix, et de la portée spirituelle de cet acte. Chanter avec son corps, c’est retrouver une force primale qui deviendra musique potentielle, noyau originel de toute mélodie. La présidente Nadine Cesari - avec le remarquable éclairage de J.Viret sur La tradition |