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Potentiels évoqués vestibulaires myogéniques
Utilisation du VEMP* en audiologie et otoneurologie. (*Vestibular Evoked Myogenic Potential (VEMP).I - Définition Le Potentiel évoqué vestibulaire myogénique (VEMP, en anglais) ou Potentiel Évoqué Otolithique est un réflexe sacculo-collique enregistré ipsilatéralement dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) en réponse à la stimulation acoustique. Cette stimulation est détectée dans le saccule qui, outre la sensibilité et les modifications de sa position par accélération linéaire, semble avoir une sensibilité au son qui pourrait être rémanente de la fonction auditive chez les animaux inférieurs. Les premières études sur ce sujet débutent dans les années 1950 1, mais leur mise en pratique clinique ne s’est faite qu’à partir des recherches de Colebatch et Hamalgy dans la décennie 1990 2. L’objectif des tests ainsi effectués est de déterminer si le saccule, ainsi que le nerf vestibulaire inférieur et leurs connexions centrales fonctionnent de manière adéquate. Le réflexe sacculo-collique consiste en la trajectoire suivante : saccule nerf vestibulaire inférieur noyau vestibulaire latéral voie vestibulo-spinale muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM). Ce réflexe a comme voie afférente le nerf vertibulaire inférieur avec les informations envoyées par le saccule, ayant comme voie afférente le nerf accessoire. II – Méthodologie de l’examen L’équipement nécessaire à la réalisation de l’examen consiste en un ordinateur à potentiels évoqués, un générateur de son et des électrodes de surface. L’électrode positive est positionnée au tiers supérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien; l’électrode de référence négative est positionnée à l’insertion du muscle SCM, au niveau du sternum; l’électrode de terre sur le front. L’important est que le muscle soit contracté à ce moment-là. L’une des positions adoptées préférentiellement par les auteurs veut que le patient se trouve couché en décubitus dorsal avec la tête surélevée. D’autres auteurs préfèrent mesurerle VEMP avec le patient en position assise et le cou tourné vers le côté stimulé 3. Le moyen de contrôle idéal pour évaluer le degré de contraction musculaire, serait le contrôle normalisé avec utilisation de l’électroneuromyographie. La réponse à la stimulation sonore est représentée par une onde positive (P1 ou P13) en 12-13ms suivie d’une onde négative (N1 ou N23) en 22-23ms4,5. Bien que l’appellation P1 suggère que le potentiel est positif, il se présente lors de l’examen comme une onde négative en raison de l’installation inversée des électrodes. L’amplitude de l’onde chez un patient normal varie de 70 à 700 mV (moyenne 350 mV) et elle est plus facilement obtenue avec un tone burst (bouffée tonale) de fréquence de 500 ou 1000Hz 4,5,6. Parmi les stimulations les plus employées se trouvent le clic de 0,1ms de durée et 105dB nHL (niveau d’audition) d’intensité, le tone burst de 500Hz (rampe 1ms, plateau 2ms) et 95dB nHL . On peut remarquer que le tone burst présente une meilleure amplitude pour les plus faibles stimulations lorsqu’il comparé au clic5,6. Un grand obstacle à l’obtention des VEMPs est l’occurrence d’une perte auditive de transmission 7. Il est indispensable d’écarter ce type de perte pour avoir une interprétation correcte, puisque même une perte d’à peine 10dB peut altérer le VEMP. Quelques précautions doivent être prises pour éviter des interférences lors de l’examen. Il est important que les électrodes restent loin des écouteurs, puisque l’émission du son provoque un artefact magnétique qu’ils risquent de capter. En outre, il faut aussi être attentif à la contraction du muscle auriculaire postérieur qui ne doit pas être interprétée comme VEMP, puisque ce muscle peut être activé par des sons abrupts. Cependant, son amplitude est plus faible que le VEMP et sa latence se situe autour de 11ms. Afin d’écarter cet artefact, on peut faire l’examen sans une élévation active de la tête du patient et vérifier si cette onde apparaît même sans une contraction cervicale. III- Applications Cliniques Parmi les applications cliniques de l’examen en question nous pouvons citer son importance dans la Maladie de Ménière, la Névrite Vestibulaire, les Fistules Périlymphatiques, le Syndrome de déhiscence du canal semi-circulaire supérieur (syndrome de Minor) et le Neurinome Vestibulaire. a) Maladie de Ménière La Maladie de Ménière se caractérise par un hydrops du labyrinthe membraneux, observable à l’examen par une augmentation des seuils de survenue du réflexe et la diminution de l’amplitude de l’onde, allant parfois jusqu’à la disparition de celle-ci8. Dans la Maladie de Ménière se produisent aussi des altérations de la fréquence du son envoyé pour donner naissance au réflexe. Par exemple, chez un individu normal, la fréquence optimale pour qu’apparaisse le réflexe est 500 Hz, alors qu’en cas de Ménière il faut 1 000 Hz pour que celui-ci se manifeste 9. Dans la catastrophe otolithique de Tumarkin le VEMP est plus souvent absent (41%) que dans la Maladie de Ménière (16%), cette absence pouvant être un indice de mauvais pronostic chez ces patients 10. Parmi les autres applications du VEMP dans la Maladie de Ménière, nous pouvons utiliser cet examen dans le suivi thérapeutique des patients où l’on aura opté pour la destruction labyrinthique par la gentamycine. Lorsqu’il y aura absence de VEMP, on saura que l’objectif a été atteint 11. b) Névrite Vestibulaire : En ce qui concerne les névrites vestibulaires, on sait que l’atteinte porte principalement sur le nerf vestibulaire supérieur. Ainsi que cela a été signalé précédemment, le VEMP évalue le nerf vestibulaire inférieur, ce qui permet de dire que le VEMP serait présent dans les névrites du nerf vestibulaire supérieur et absent dans celles du nerf vestibulaire inférieur. Murofushi et al, en étudiant le VEMP et son application à la névrite vestibulaire, l’a mise en comparaison avec le Vertige Paroxystique Positionnel Bénin (VPPB) 12. Considérant que la névrite vestibulaire peut conduire à la dégénérescence maculaire et de là à la libération d’otoconies, ces études ont permis d’observer que parmi 47 patients avec une névrite vestibulaire, 16 ont présenté une absence de VEMP témoignant probablement d’un déficit dans l´innervation du saccule et du Canal Semicirculaire Postérieur, et ainsi, ne développant pas de VPPB. c) Syndrome de déhiscence du canal semi-circulaire supérieur (DCSS) : En ce qui concerne le Syndrome de déhiscence du canal semi-circulaire supérieur, on sait qu’elle joue le rôle de troisième fenêtre mobile. Cette maladie présente, parmi d’autres symptômes, la présence du Phénomène de Túllio, une surdité de transmission et la diminution du seuil du VEMP jusqu’à 20 dB 13,14. En cas de Fistule Périlymphatique, un phénomène identique se produit, puisque la fistule jouerait le rôle de la troisième fenêtre 15. d) Neurinome vestibulaire : En appliquant le VEMP à des patients porteurs de Neurinome Vestibulaire, Murofushi et al ont montré que le réflexe était anormal chez 80 % des patients, même en présence d’épreuves caloriques normales 16. Les études rapportent que le neurinome se développe dans 84,8 % des cas dans le nerf vestibulaire inférieur. Ceci étant; l’on remarque la disparition ou la baisse de l’amplitude du VEMP chez des porteurs de Schwanoma Vestibulaire, avant même qu’ils ne présentent les premiers signes cliniques de la maladie. Dans ce cas, l’examen jouerait un rôle important dans le diagnostic précoce de cette pathologie. e) Autres applications cliniques : Parmi d’autres applications de l’examen, l’on sait que le VEMP présente une diminution ou une absence des amplitudes du réflexe chez dez patients ayant une surdité bilatérale, provoquée par de l’ototoxicité, le Syndrome de Cogan et la Dysplasie de Mondini 17. Dans la surdité brusque, le VEMP a des caractéristiques normales dans les cas idiopathiques, un examen s’imposant lors de l’évaluation, car il peut être mesuré même lors de pertes auditives profondes 18. Dans l’Otosclérose, il y a disparition de ces potentialités, ou augmentation des seuils d’action 7. Enfin, dans des tableaux centraux comme la Sclérose en Plaques ou l’AVC du tronc cérébral il y a une augmentation des latences ou même une absence du VEMP 19. IV- Commentaires finaux • Le VEMP est ainsi un examen pour évaluer un réflexe de l’oreille interne spécifique du saccule. • Pour la formation de ce réflexe il faut que soient en état de fonctionnement l’oreille moyenne, le saccule, le nerf vestibulaire inférieur et le SNC. • Cet examen constitue un outil utile pour des diagnostics précoces de la Maladie de Ménière, même chez des patients asymptômatiques. Il en va de même lors des pathologies liées une troisième fenêtre et en cas de neurinome. • Pour l’avenir du VEMP, il faut espérer que des solutions soient développées pour la normalisation de cet examen, notamment pour l’évaluation de la contraction musculaire du SCM, avec utilisation de l’électroneuromyographie. Références bibliographiques 1. Cody DTR, Jacobson JL, Walker JC, Bickford RG. Average evoked myogenic and cortical potentials to sound in man. Ann Otol Rhinol Laryngol 1964; 73: 763–77. 2. Colebatch JG, Halmagyi GM. 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